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Avez-vous lu le Lotus Bleu?
2014-02-26 01:18

Le personnage de Tintin issu de la plume de Hergé est mondialement connu et apprécié et j’ai eu le grand plaisir de recevoir des mains d’un très respectable ami belge un album du Lotus Bleu dans une édition de 1984. L’histoire raconte qu’à son arrivée en Chine, Tintin apprend que des agents secrets japonais ont dynamité le chemin de fer reliant Shanghai à Nankin et que, de surcroît, ils rejettent la responsabilité de cet attentat sur les Chinois... Alors que ce n’était qu’un alibi pour envahir la Chine.

Ce crime enregistré par l’Histoire comme “l’Incident du 18 septembre 1931” est fidèlement rapporté dans l’album d’Hergé qui dénonce ainsi clairement la guerre d’agression japonaise contre la Chine. Sur leur lancée, les militaristes japonais ont envahi les trois provinces dans le Nord-Est de la Chine. Puis, en 1937, ils ont déclaré une guerre totale d’agression contre la Chine, qui fera plus de 35 millions de victimes, soldats et civils chinois mélangés. Rien qu’en décembre 1937, durant des semaines, l’armée japonaise s’est livrée à Nanjing- capitale de l’époque- à une orgie de violence, tortures, viols, dans la ville. Ce crime contre l’humanité est connu sous le nom de “Massacre de Nanjing” et a été dénoncé et condamné partout dans le monde.

En 1941, le Japon a déclenché la Guerre du Pacifique qui s’est achevée par la défaite et la capitulation du militarisme japonais. Les témoignages, les documents historiques sont nombreux et indiscutables qui prouvent quels sont les déclencheurs de ces guerres, les auteurs de ces massacres.

Après la victoire alliée de la seconde guerre mondiale, la communauté internationale a prononcé un jugement historique contre le fascisme et le militarisme. Le Procès de Nuremberg a jugé 22 criminels de guerre allemands (de classe A), dont Hermann Göring. 10 d’entre eux ont été condamnés à mort par pendaison. Le Procès de Tokyo a jugé 28 criminels de guerre japonais (de classe A), dont Hideki Tōjō. 7 ont été condamnés à mort par pendaison.

Fin 2013, le Premier Ministre japonais Shinzo Abe a effectué un pèlerinage au Temple Yasukuni où est honorée la mémoire de 14 criminels de guerre de classe A de la Seconde Guerre mondiale. Cet événement inexcusable a fait remonter à la mémoire du peuple chinois les crimes commis par les agresseurs japonais et mis en éveil sa vigilance face à une éventuelle résurgence du militarisme japonais. Précisons que la visite du Premier Ministre japonais a non seulement indigné la Chine et la République de Corée, mais a également été perçue négativement par le Secrétaire général de l’ONU, les Etats-Unis, l’UE, la Russie et plusieurs gouvernements de l’Asie du Sud-Est.

Il faut savoir que le Temple Yasukuni est le symbole des agressions japonaises à l’étranger et honore, en particulier, les criminels de gurre de classe A de la Seconde Guerre mondiale que l’on peut appeler “les nazis orientaux”. Aujourd’hui encore, le Temple Yasukuni prétend que la guerre de l’époque était “une guerre juste”, que la Guerre du Pacifique n’était que de “l’auto-défense”, que le jugement du Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient est illégal et qu’il est licite d’honorer la mémoire des 14 criminels de guerre de classe A. Il est pourtant clair que si un dirigeant japonais visite un tel lieu, y dépose des fleurs, y exprime son respect, la ligne rouge est dépassée. Non seulement la ligne rouge concernant les relations sino-japonaises, mais également celle qui protège la justice internationale et l’ordre de l’après-guerre. Bref, un tel acte révolte la conscience humaine.

Il faut savoir également que Shinzo Abe a déclaré publiquement et à plusieurs reprises que, pour le Japon, les criminels de guerre de classe A n’étaient pas des criminels et que le jugement du Tribunal militaire international du Japon contre les criminels de guerre de classe A était un jugement partial et unilatéral des pays vainqueurs à l’encontre des pays vaincus. L’agression et la colonisation de pays étrangers par le Japon a provoqué les pires malheurs en Chine, en République de Corée et dans d’autres pays voisins asiatiques. Si le dirigeant japonais se mettait à la place des familles et des enfants des victimes du massacre de Nanjing, à la place des familles des “femmes de réconfort” et des ouvriers de la ville, à la place des enfants des victimes d’expérimentations sur des cobayes humains ou de vivisections sans anesthésie par l’Unité 731, se rendrait-il toujours, l’âme en paix, au Temple Yasukuni? Tiendrait-il toujours les mêmes propos que ceux qu’il prononce aujourd’hui? Pourrait-il encore affirmer que sa visite au Temple Yasukuni n’a pas pour but de blesser les sentiments des peuples chinois et coréen?

Le 15 août 1995, à l'occasion du 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Premier Ministre japonais de l’époque, Tomiichi Murayama a tenu un discours officiel dans lequel il a présenté ses excuses pour les atrocités commises par le Japon lors de cette guerre. Récemment, il a réaffirmé que ce n’est qu’en mettant en application l’esprit de la Déclaration Murayama que le Japon acquérera la confiance des autres pays. Ses propos appellent des réflexions profondes. Ce n’est qu’en regardant l’histoire en face, en tirant des leçons du passé, en se tourant vers l’avenir que le Japon pourra améliorer ses relations avec les pays voisins. Par contre, si le dirigeant japonais s’obstine à faire ce qu’il a fait, alors le Japon empruntera un chemin encore plus dangereux pour l’Asie, pour le monde, voire même le Japon.

Le peuple chinois aspire à vivre en paix et à avoir des relations amicales avec les autres pays de la planète, à entretenir un bon voisinage, un fructueux partenariat avec les pays proches dans le seul but de réaliser une paix durable et un développement commun en Asie. Cette année marque le centenaire de la déclaration de la Première Guerre mondiale et le 75ème anniversaire du déclenchement en Europe de la Seconde Guerre mondiale. A ces occasions de nombreux pays, dont la Belgique, vont organiser de multiples commémorations. J’ai la conviction que ce ne sera pas l’occasion de saluer la mémoire de ceux qui ont provoqué ces guerres et de ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité. Je suis tout aussi persuadé que ce sera l’occasion de ceux qui se sont dévoués à la cause de la paix, des innocents ainsi que des soldats qui ont péri à la guerre...parmi lesquels de nombreux travailleurs chinois qui durant la Première Guerre mondiale ont apporté sur les champs de bataille européens une aide précieuse aux troupes alliées.

Le seul objectif de ces commémorations sera de dire ‘non’ à la guerre, ‘oui’ à la paix, de tirer des leçons du passé, d’éviter que ce passé ne réapparaisse, d’être lucide en étudiant l’histoire dans la perspective de bâtir un avenir meilleur. C’est là mon souhait le plus cher en cette nouvelle année du “cheval de bois”.

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